Repentigny: une image de profilage à défaire

Alors que l’organisme Lakay appelle la Ville de Repentigny à commanditer une nouvelle enquête indépendante sur le profilage racial, le maire sortant, Nicolas Dufour préfère évoquer les avancées enregistrées dans ce domaine dans la municipalité.
Dans un communiqué, Lakay précise que sa demande est motivée par « l’absence de preuves concrètes démontrant des changements réels depuis la première étude menée il y a cinq ans ». Pierre-Richard thomas affirme également que les citoyens noirs de Repentigny expriment des « inquiétudes persistantes ».
« On n’a pas eu peur d’avoir des discussions franches et honnêtes depuis quatre ans ». Il y avait des techniques de la police qu’on a rapidement réformées », soutient pour sa part le maire sortant, Nicolas Dufour, lors d’un débat électoral organisé justement par Lakay.

M. Dufour souligne que le profilage n’était pas « systémique » à la Ville, mais « s’il y avait des policiers qui faisaient du profilage, croyez-moi, aujourd’hui, ils ne sont plus au sein de la force de police».
«Le message a été clair dès le début de notre administration : ceux qui font du profilage, on ne vous veut plus au sein de nos forces de l’ordre », lance le maire sortant devant un parterre de membres des communautés culturelles réunis à l’Église Précieux sang.
Peu après sa prise de fonction, l’ancienne cheffe de la police de Repentigny, Helen Dion, a pris sa retraite anticipée. D’autres policiers ont aussi quitté. Toutefois, le maire sortant refuse de préciser le nombre.
« Il y a eu des départs à la retraite. Peut-être qu’il y avait des policiers d’un certain âge qui voulaient prendre leur retraite et ne voulaient pas continuer avec la nouvelle mouture »
Une vieille Politique d’interpellation
Depuis l’arrivée de Nicolas Dufour, on observe une baisse de la tension dans la ville avec les communautés culturelles. Pierre-Richard Thomas dit l’observer aussi. «Mais pour le confirmer, il faudra une nouvelle étude », insiste le directeur de Lakay.
«Le chef de la police, Éric Racette, a dit à ses troupes qu’il ne voulait plus d’interpellations aléatoires. De notre côté c’est bien encadré, bien balisé. Je vous assure que c’est le message qui est passé », indique de son côté le maire sortant.
Interrogé l’existence d’une Politique d’interpellation, disait n’être pas sûr, mais qu’il allait vérifier. Sa cheffe de cabinet adjointe nous confirme par la suite que le document existe bel et bien et qu’elle allait nous l’envoyer.
Il s’agit d’un document d’une demi-douzaine de pages dont la plupart sont caviardées (biffées) « pour des raisons de confidentialité », nous dit le cabinet du maire sortant. En revanche, à Montréal, le document est public et n’est en rien caviardé.
Voici tout ce qu’on peut y lire clairement
- Lors d’une interpellation policière, la personne interpellée n’a pas l’obligation de répondre aux questions posées ni de s’identifier et elle est libre de quitter.
- Le policier demeure conscient des limites de son interpellation policière, respecte le choix de la personne de collaborer ou non à son intervention et n’utilise pas un motif oblique pour arriver à ses fins. Le policier demeure en outre conscient que les circonstances de l’interpellation, y compris son comportement, peuvent conduire la personne interpellée à se sentir détenue (détention psychologique).
Une Directive qui date de 2020 et signée par l’ancienne cheffe de police, Helen Dion.
Plan
Lors du débat, le maire sortant Nicolas Dufour affirme avoir mis sur pied un « Plan en 55 actions dont la moitié ont été réalisées » en vue d’encadrer les interventions dans la ville. Au sortir de la pandémie, les autorités ont observé une hausse de plus de 50% des appels de détresse psychologique.
La Ville a créé le CIDD pour (Concertation, intervention, désescalade et déjudiciarisation). Dans ce cadre, au moins six travailleurs sociaux ont été engagés et qui sont en première ligne lorsqu’il s’agit d’un appel à l’aide comme cela a été le cas pour Jean René Junior Olivier, mort en août 2020 de balles de la police. Sa mère avait appelé les policiers pour aider son fils, pourtant.
«Souvent, quand c’est un policier en uniforme, cela ajoute un stress à l’intervention», fait remarquer M. Dufour. Dans le Plan de 55 actions, la Ville a créé aussi un Comité de rencontre aux trois mois avec les organismes communautaires du milieu, un Forum sur le vivre ensemble tous les ans, en novembre.
Des policiers ont été formés à Longueuil dans le cadre du Programme Immersion et des répartiteurs du Centre d’appels 911 ont reçu une formation qui leur permet aujourd’hui « de déceler, de démystifier et de comprendre » une démarche raciste ou non de la population
Une opposition externe

De son côté, le chef de l’opposition, Maxime Comtois, candidat à la mairie de Repentigny, plaide en faveur un traitement égal pour tous et appelle à «un vrai dialogue et de vrais échanges à une tolérance zéro face à la discrimination et les méfaits de tout genre »
« Ce n’est pas que nous avons refusé le débat. C’est qu’il y a une équipe totalitaire en place. Nous sommes considérés comme le parti d’opposition. Mais nous n’avons personne qui siège au conseil »
Pour M. Comtois, le profilage représente un enjeu important et propose de travailler de concert avec le service de police et de communiquer avec les communautés touchées afin « d’avoir leur avis et de déterminer un Plan d’action et l’appliquer avec les forces de police »
Il se dit prêt à le combattre notamment par de la formation en tout genre. Pour ce qu’il s’agit des « Contrôles aléatoires » effectués par les policiers, Maxime Comtois affirme ne pas disposer d’«assez de données pour pouvoir se prononcer. Mais c’est une facette que nous souhaitons améliorer ».
« Le seul moyen de savoir ce qui se passe à la Ville, c’est ce que le maire sortant dit et de faire des demandes d’accès à l’information. Cela peut prendre jusqu’à deux mois avant d’avoir une réponse à une seule question». Le processus peut s’étirer jusqu’à trois à quatre mois même, déplore le candidat de Repentigny ensemble. Le Conseil de ville est contrôlé en totalité par Avenir Repentigny, le parti du maire sortant.
Maxime Comtois avait refusé de débattre directement avec le maire sortant pour ces raisons.
Ce article a été rédigé grâce à l’appui du Fonds du Canada pour les périodiques (FCP) du gouvernement du Canada