De l’OCPM à 2025, les gains des groupes sous-représentés s’effritent

En 2020, l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) a conclu que la Ville souffrait de racisme et de discrimination systémiques et que ses institutions reflétaient mal la diversité de la population. Manque de données, absence d’objectifs, peu d’imputabilité : plusieurs groupes sous-représentés, dont les Afrodescendant·es et les personnes en situation de handicap, demeuraient loin des lieux de pouvoir.
La réponse politique a d’abord semblé à la hauteur. En 2021, des Montréalais afrodescendants ont accédé à la présidence du comité exécutif, à la présidence du conseil municipal et à des responsabilités centrales. Du jamais-vu. Du côté du handicap, l’élection de Laurence Parent comme conseillère d’arrondissement a amené une voix qui a fait avancer l’accessibilité universelle. Ces percées ne représentaient pas des « sièges de communauté », mais des pas nécessaires vers des institutions plus justes.

C’est dans ce contexte que j’ai plaidé, en 2020, pour qu’on cesse la pratique des « candidats poteaux ». Tant que les personnes issues de groupes sous-représentés sont surtout présentées dans des districts impossibles à gagner, la diversité reste un slogan. Ouvrir des circonscriptions réellement gagnables à des personnes afrodescendantes, à des personnes en situation de handicap et à d’autres groupes sous-représentés, c’est simplement accepter que les institutions communes ressemblent à l’ensemble de la population qu’elles servent.
Cinq ans plus tard, les électrices et les électeurs ont voté pour un changement. Ils ont jugé un bilan, une offre politique, un style de gouvernance. Ce choix est légitime et doit être respecté. Il n’y a pas de racisme dans le fait qu’un électorat décide de changer de cap. Dans ce nouveau paysage, une mairesse issue de l’immigration prend la tête de la Ville ; une femme afrodescendante devient cheffe de l’opposition ; quatre élu·es afrodescendant·es siègeront à l’Hôtel de Ville. Ces avancées sont réelles et doivent être saluées.
Mais, en même temps, un recul s’opère au cœur du pouvoir. Le mandat précédent avait permis de voir une présidente du comité exécutif, une présidente du conseil municipal et deux personnes afrodescendantes autour de la table exécutive, avec un pouvoir décisionnel direct. La nouvelle configuration ramène la présence afrodescendante à un rôle de conseiller ou conseillère associée, c’est-à-dire en appui et non, plus au centre. On revient à une situation qui rappelle les années 1990, où la voix afrodescendante se trouvait « près » du comité exécutif, mais pas en son sein. Cela illustre à quel point les gains peuvent être réversibles.
Prise de conscience
Les chiffres de 2025 renforcent cette impression. On compte 82 candidatures afrodescendantes sur l’île de Montréal. Pourtant, si l’on regarde les nouvelles candidatures dans des districts qui n’appartenaient pas déjà à leur parti, une seule est victorieuse. Un succès sur 74, soit à peine 1 %. Ce chiffre ne désigne pas des coupables, il décrit un système verrouillé, où il demeure difficile pour de nouveaux visages – souvent issus de groupes sous-représentés – de transformer une candidature en siège.

Parler de représentativité, ce n’est pas enfermer les gens dans leur identité ou les réduire à leur communauté d’origine. C’est reconnaître que des personnes compétentes existent dans ces groupes, mais qu’elles n’obtiennent pas les mêmes occasions d’accéder aux lieux de pouvoir. Dans une démocratie qui se veut universelle, chacun doit pouvoir se reconnaître dans ses institutions, sans que certains groupes soient condamnés à rester, mandat après mandat, à la marge de la décision.
Pour éviter que les gains arrachés depuis l’OCPM ne s’effritent à chaque cycle électoral, trois chantiers sont nécessaires. D’abord, une conscientisation réelle dans les partis, avec des objectifs de résultats pour les groupes sous-représentés – sans quotas, mais avec l’obligation de regarder, à la fin du mandat, combien de ces personnes ont effectivement été élues dans des districts gagnables. Ensuite, une véritable transparence : la Ville devrait publier chaque année un tableau de bord de la représentativité politique, incluant le conseil, le comité exécutif et les grandes instances paramunicipales. Enfin, une implication plus stratégique dans les partis de la part des personnes issues de ces groupes : adhérer, siéger sur les exécutifs locaux, contribuer aux plateformes, participer au financement et soutenir des candidatures crédibles là où une victoire est possible.
Les électeurs ont choisi le changement en 2025. Le nouveau comité exécutif doit pouvoir travailler, et sa diversité mérite d’être reconnue. Mais il est aussi légitime de rappeler que, pour les groupes sous-représentés, certains gains se sont effrités au cœur du pouvoir. Tenir ensemble ces deux vérités ne divise pas la ville ; au contraire, cela permet de construire une démocratie plus cohérente. Une ville qui ressemble davantage à celles et ceux qui l’habitent ne retire rien à la compétence de ses élus. Elle gagne en justice, en intelligence collective et en mesure d’agir pour l’ensemble de ses citoyens.
Guedwig Bernier
Président de Projet Montréal 2020-204
Candidat à la course à chefferie de Projet Montréal 2025
2017 CE ville de Montréal



