Entre moi et mon ami Pierre Michaud, la question ne se pose pas. Nègre et Noir ne se disputent pas dans nos têtes aujourd’hui. Et vraiment pas du tout.

Après lui avoir fait un cours 101, il y a une vingtaine d’années,  sur le mot nègre, son sens haïtien et de son utilisation dans mon pays d’origine (Haïti), « Nèg pa » pour (mon chum), il décide de choquer, de provoquer avec ça.

En 2011, en pleine salle des nouvelles de Rad-Can, il me lance un : « comment vas-tu mon nègre? » ( pour mon chum) qui sonnait dans les oreilles blanches de la salle comme une explosion du racisme.

Et moi de lui dire : « dans mes bras mon Blanc.» Noir ou Blanc, il s’agit là de construits sociologiques. Rien d’autre.

Quant au mot nègre,  en dehors d’Haïti et dans son contexte de créolisation ou de la Martinique dans le concept de négritude (symbole d’affirmation et identitaire) d’Aimé Césaire, il rapporte à l’esclavage surtout lorsqu’utiliser par des Blancs.

Justement, parce que ces derniers ont asservi des Noirs, les principales victimes de la Traite.

Comme le rappelle ici la sociologue Myrlande Pierre, vice-présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), «ce mot a été utilisé pour dénigrer, déshumaniser l’autre, humilier un peuple. Historiquement, c’est un fait. »

Tout part de ce « message du recteur et vice-chancelier Jacques Frémont de l’Université d’Ottawa le lundi 19 octobre » dernier.

Le message débute par cet extrait : « Vous avez peut-être entendu parler d’un incident récent à la Faculté des arts alors qu’une professeure à temps partiel a utilisé le mot entier commençant par -n à l’occasion d’un cours. Une étudiante a réagi dans un courriel à la professeure après la classe. Celle-ci s’est subséquemment excusée en précisant qu’elle ignorait le caractère inacceptable de l’utilisation de ce mot et offert aux étudiants de discuter de la question la semaine suivante.» Lisez en plus ICI.

Et voilà. C’est parti : une flopée de réactions, une meute de chroniqueurs connus pour leur position de droite envahissent la Toile et occupent les esprits autour d’une seule consonne: «N».

Dans tout le débat qui a cours actuellement, personne n’ose dire ou écrire le mot au complet. On dénonce la censure, on revendique la liberté d’expression dans un cas comme cela.

C’est ce que postule aussi, dans son texte,  le recteur Frémont qui appelle toutefois à une recherche d’équilibre.

«Personnellement, je puis vous assurer que je me bats souvent pour défendre la liberté d’expression de collègues dont les propos sont rapportés à mon bureau et pour lesquels mes interlocuteurs exigent l’imposition de sanctions (… ), liberté d’expression et droit à la dignité ne se contredisent pas; ils doivent se compléter et exister l’un en présence de l’autre. C’est l’exercice auquel nous sommes conviés. »– Jacques Frémont.

Mais voilà qu’en dehors de ce contexte académique, une consonne sert de prétexte à certains pour souffler sur des braises blanches, soulever des passions, faire dans la facilité du débat sur le racisme systémique.

 Ah…, quand  la sémantique tue l’essentiel.

Car, autour du mot nègre justement, j’ai vu au Québec des centaines de pages noircies d’articles qui dénoncent l’utilisation de ce terme par des Blancs envers des Noirs. Et on associait ces sujets à du racisme.

À cette époque cela faisait vendre des copies ou moussait les visites sur les sites Internet. Était-ce le coté mercantile ou que les médias prenaient conscience que le racisme n’a pas sa place?

Ici, on est fort dans l’art de noyer le poisson. Malheur à ceux qui plongent dans cette eau trouble.

Car, comment expliquer que depuis 10 ans, la grande majorité des 93 recommandations de la CDPDJ en lien avec le profilage racial par les corps de police, par le milieu scolaire (les enfants haïtiens) n’aient pas suivi par aucun gouvernement au Québec?

Alors, croyez-vous vraiment que le débat est autour de la consonne «N»? Vraiment?